Madame la Présidente,  
             
  Tandis qu'un nombre croissant  d'initiatives voient le jour, tant à l'échelle européenne qu'aux  Etats-Unis, pour déstigmatiser les affections démentielles, montrer en  quoi leur évolution peut prendre des formes extrêmement variables,  insister sur le fait que les personnes qui en sont atteintes conservent  une identité et des capacités de communication, privilégier des mesures  de prévention, d'intégration et d'optimisation des capacités  préservées, nous sommes profondément indignés par les images que  transmet le film de l'agence Saatchi et Saatchi diffusé sur le site de  l'association qe vous présidez et destiné à une vaste campagne  d'information nationale, ainsi que par le cynisme absolu du dernier  commentaire : « Heureusement, ils ne s'en souviendront pas ».  L’esthétisme de ce film, primé par des professionnels de la publicité,  en accentue encore le caractère révoltant.  
   
  Qu'une  association telle que la vôtre, prioritairement chargée de défendre les  patients et leurs proches, véhicule de tels clichés auprès du grand  public nous apparaît profondément choquant et nous dénonçons avec force  un procédé qui va à l'encontre de la dignité et de l’intérêt des  personnes et de leurs familles. Ce faisant, vous espérez  vraisemblablement contribuer à accroître les moyens alloués à la  recherche, mais en réalité, vous suscitez l'effroi, vous isolez encore  davantage ces personnes et vous entravez ainsi toute démarche visant à  les intégrer (notamment dans une perspective intergénérationnelle), à  les valoriser et, finalement, à les aider.  
   
  Au lieu de  présenter une vision aussi simpliste et apocalyptique de la maladie  d'Alzheimer et ainsi de renforcer l'attente d'une solution  médicamenteuse ou biologique "miracle", votre association devrait  plutôt amener le public à penser autrement la maladie d'Alzheimer, à  considérer que le vieillissement cérébral peut s'exprimer sous des  formes multiples, plus ou moins problématiques, et qui dépendent de  très nombreux facteurs, à comprendre qu'outre les médicaments, il  existe de très nombreux autres moyens de prévention et d'intervention  (psychologiques et sociaux) et enfin à réaliser que, même dans les  expressions les plus problématiques du vieillissement, les personnes  conservent leur humanité.  
    
  Il est grand temps de raconter un autre récit de la maladie d'Alzheimer et votre association devrait y contribuer…  
    
  Veuillez recevoir, Madame la Présidente, l'expression de nos salutions distinguées. 
    
  Pr  Martial Van der Linden, Professeur de Psychopathologie et de  Neuropsychologie cognitive, Faculté de Psychologie et des Sciences de  l'Education, Universités de Genève et de Liège 
    
  Dre Anne-Claude  Juillerat Van der Linden, chargée de cours (sur les affections  démentielles) à la Faculté de Psychologie et des Sciences de  l'Education de l'Université de Genève et neuropsychologue responsable à  la Consultation mémoire des Hôpitaux Universitaires de Genève            |